<aside> ☝ Pour ce premier numéro, nous vous proposons de partir à la rencontre de l'Arche de Saint-Antoine, en Isère.

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<aside> 📖 Article extrait de l’ouvrage Sur la Terre comme au Ciel ; lieux spirituels engagés en écologie de Christine Kristof-Lardet (Ed. Labor et Fides, 2019)

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Le choix de la non-violence comme manière d'être au monde


© Christine Kristof

© Christine Kristof

Le feu allumé dans la cour crépite dans la douceur d’un soir d’automne. Tout autour, la communauté se tient debout en cercle, chantant, priant et récitant les textes sacrés du jour. Aujourd’hui, ils entonnent un poème soufi. L’heure est au recueillement et au partage. Une famille présente depuis plus d’un an doit partir le lendemain. L’émotion se lit à l’intensité des paroles échangées et des embrassades ; un chant d’adieu est entonné en leur honneur. Qu’il s’agisse d’un passage de courte durée ou d’un séjour plus long, vivre à l’Arche de Saint-Antoine ne laisse jamais "indemne".

Dans cette ancienne abbaye, lovée au pied du Vercors, s’expérimente depuis une trentaine d’années une vie intense de fraternité et de partage dans l’esprit de Lanza del Vasto, un disciple chrétien de Gandhi, à mi-chemin entre la vie monastique et la vie laïque. Cette communauté se compose aujourd’hui d’une cinquantaine de personnes qui expérimentent un mode de vie simple basé sur la non-violence et la spiritualité et sous-tendue par la recherche d’harmonie avec soi, avec les autres et avec la nature. Ces valeurs constituent la trame d’une forme d’écologie intégrale qui se décline dans tous les aspects de la vie.

La création de l’Arche Saint-Antoine en 1987

© L'Arche de Saint-Antoine

© L'Arche de Saint-Antoine

L’Arche de Saint-Antoine est née en 1987, lorsqu’un groupe de treize personnes et leurs enfants, issu d'une communauté de l'Arche plus ancienne, choisit de s’installer dans une des ailes de l’ancienne abbaye Saint-Antoine mise à leur disposition par les Pères de la Sainte-Famille.

C’est alors un vieux bâtiment délabré, déserté depuis une quinzaine d’année, qui demande des travaux et de la foi pour y vivre. A la nécessité de créer des logements pour les familles pionnières, s’ajoute celle d’accueillir le plus rapidement possible des hôtes pour financer les premiers travaux.

Cette vocation d’accueil restera  l’activité principale de l’Arche de Saint-Antoine, qui reçoit environ trois milles hôtes chaque année. Les conditions de vie sont alors spartiates, mais le groupe s’étoffe peu à peu et construit sa vision. De nouvelles personnes rejoignent les fondateurs alors que d’autres partent vers de nouveaux horizons. La vie communautaire s’appuie sur une Charte très simple dans laquelle figurent les principaux engagements des membres, et s’organise en interne autour d’une Règle qui ne cesse d’évoluer dans le temps. La communauté compte actuellement vingt-trois engagés et leurs enfants et totalise environ cinquante personnes incluant les stagiaires et les personnes en formation "FÈVE".

LA FÈVE pour s’exercer au vivre-ensemble

Face au constat que les nombreux projets collectifs (éco-villages, communautés, habitat groupé, associations…) qui fleurissent aujourd’hui s’arrêtent souvent pour des raisons d’ordre relationnel, l’Arche Saint-Antoine a souhaité transmettre son expérience longue d’une trentaine d’années de vie en communauté afin d’aider les personnes à monter et à tenir leurs projets collectifs dans la durée. C’est ainsi que les formations de la FEVE (Formations et Expérimentations au Vivre Ensemble) ont été lancées en direction de personnes ayant déjà un pied dans la vie active et souhaitant « vivre autrement ».

Ces formations se veulent être à la fois des temps d’expérimentation dans la communauté de Saint-Antoine, pour « expérimenter ce que cela peut signifier de vivre dans un collectif au quotidien » et des temps de formation réguliers sur différents aspects du vivre-ensemble, sur la connaissance de soi, la relation à l'autre, la dynamique de groupe, la dynamique de projet, la Communication Non-Violente, la gestion des émotions, la transformation des conflits,… Les formations, jusqu’en 2016, duraient deux ans et ont permis à une soixantaine de « feveurs » de se former.

Aujourd’hui, la formation dure un an et a le mérite d’être ouverte également à des personnes extérieures qui peuvent suivre un ou plusieurs « modules » du parcours. La FEVE propose aussi des ateliers interactifs sur la communication non-violente et la gestion positive du conflit en milieu scolaire et intervient dans les classes à la demande des directeurs d’établissement ou des professeurs. On souhaiterait que cela soit au programme officiel de l’Education Nationale !

<aside> 👉 En savoir plus : www.feve-nv.com

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Gandhi, l’inspirateur

Les communautés de l’Arche sont inspirées par Lanza de Vasto, lui-même inspiré par le Mahatma Gandhi dont il est un fervent disciple. Basée sur la compréhension des deux principes fondamentaux qui soutiennent l’hindouisme : l’Ahimsa (non-nuisance vis-à-vis de tout être) et la satyagraha (force irrésistible de la justice et de la vérité), la sagesse gandhienne prône une vision éthique et politique de la société. « Non-violence et vérité sont les deux faces d’une même médaille » disait Gandhi. Lanza Del Vasto, aussi appelé Shantidas (serviteur de paix) par son maitre, incarne cette vision dans la concret d’une toute première communauté qui s’installe en 1948 en Charente. Lanza del Vasto est chrétien, mais reconnait dans la sagesse de son ami indien des valeurs qui lui sont chères.

© Christine Kristof

© Christine Kristof

« Gandhi est venu nous montrer le pouvoir, sur cette terre, de l’innocence absolue… Cette vérité, nous la savions depuis toujours, nous chrétiens, mais elle était chez nous si dépareillée, si étrangement contraire à tout ce que le monde et les hommes nous en ont enseigné que nous ne savions qu’en faire. Nous la tenions entre les murs d’églises et dans l’ombre du cœur. Il a fallu qu’il vienne, lui, l’Hindou, nous apprendre ce que nous savions depuis toujours » [2] écrit-il.

Aussi, cette communauté laïque composée de célibataires, de couples et de familles - l’une des toutes premières de ce type en France, tient en ses débuts tout à la fois de l’ashram gandhien par le souffle qui l’anime que du monastère catholique, avec ses règles, ses vœux, son rythme et son organisation. Dans la lignée de cette première communauté, nombre d’autres groupes et initiatives ont fleuri en France et dans le monde.

Les grands principes de l’Arche : une approche intégrale